L’environnement de travail des policiers est en constante évolution et il change selon les fonctions de chacun. Un patrouilleur et un enquêteur n’ont pas le même environnement de travail, pourtant les deux auraient besoin qu’on s’y attarde.
S’il y a bien une chose qui a changé depuis la dernière réforme de la police au Québec, c’est le déploiement à grande échelle de la téléphonie mobile intelligente. Depuis quelques années, presque tous et toutes ont dans leurs poches une caméra photo et vidéo. Cette réalité n’est pas étrangère à l’augmentation de la pression ressentie par les policiers lors des interventions. En effet, pratiquement toutes les interventions qu’ils font sont filmées et les passages où ils paraissent moins bien sont diffusés sur les médias sociaux. Ils passent alors par le tribunal de l’opinion publique où ils sont accusés et condamnés sans avoir l’occasion de se défendre parce que souvent, ces extraits qui sont diffusés débutent plusieurs minutes après le début de l’intervention. On ne voit donc pas les moments qui justifient l’usage de la force en vertu des enseignements à l’ENPQ puisqu’il manque tout le contexte de l’intervention. De plus, les policiers ne peuvent corriger publiquement les faits avec toute la latitude nécessaire puisqu’ils sont liés par leur serment de discrétion.
Pour remédier à ce problème, nous sommes d’avis que le gouvernement du Québec doit enclencher le déploiement à grande échelle des caméras corporelles afin que tous les policiers en soient équipés le plus rapidement possible. Ainsi, les services policiers, le Comité de déontologie, le BEI et, éventuellement, les médias et la population pourront avoir un portrait complet des interventions, ce qui permettra plus efficacement de se faire une tête sur l’intervention. Souvent, une vidéo de quelques secondes d’une intervention donne une fausse impression, ce qui est dommageable pour le lien de confiance entre les policiers et la population.
Bien évidemment, les caméras corporelles ne doivent pas remplacer les mécanismes de rapport déjà en place, il faut voir cette technologie comme un outil supplémentaire, mais tellement nécessaire en 2020. C’est aussi une raison supplémentaire pour soutenir l’idée que le gouvernement du Québec finance équitablement tous les services policiers. Le déploiement des caméras corporelles comporte plusieurs défis, comme la gestion de la preuve et la gestion des caméras. Ces défis sont surmontables, mais les solutions impliqueront des investissements importants pour les villes qui doivent obtenir un soutien gouvernemental pour être en mesure de les déployer. Cette mesure sera accueillie favorablement par les policiers et par la population, c’est gagnant pour tout le monde.
Nous croyons que le gouvernement devrait mettre en place une subvention technologique spéciale pour les prochaines années afin de soutenir les villes dans l’achat de caméras corporelles et dans la création de l’infrastructure nécessaire. Cette avancée technologique est importante pour le milieu policier québécois, puisqu’elle aura un impact positif tant chez les policiers, que chez la population. Avoir un portrait complet, sous forme de vidéo, est nécessaire à l’ère où tout est déjà filmé. Le soutien du gouvernement du Québec permettra aux services de police de collecter les images de l’intervention complète. Il sera ainsi plus facile pour tout le monde de se faire une tête sur ce qui s’est réellement passé lors des interventions. La mise en place d’un tel outil est rendue nécessaire et il ne sera pas possible de l’éviter. Plutôt que de laisser les villes à elles-mêmes, le gouvernement du Québec doit s’impliquer, car il a les reins solides pour assurer la réussite du projet qui aura beaucoup d’effets positifs sur les interventions policières. En effet, l’être humain a moins tendance à s’emporter quand il est filmé, la caméra corporelle permettra certainement de diminuer les tensions lors des interventions policières.
Outre cette nouvelle réalité, il faut aussi adresser la question de l’ergonomie de l’environnement et des outils de travail, tant dans la voiture de patrouille, qu’au poste de police lorsque vient le temps de faire du travail de bureau.
À l’heure actuelle, ce ne sont pas les policiers qui ont des problèmes de maux de dos qui sortent de l’ordinaire, ce sont ceux qui n’ont pas ce problème. Plutôt que de respecter les principes de l’ergonomie et de bâtir l’environnement de travail autour des policiers afin qu’ils soient bien adaptés, on leur demande de s’organiser pour fonctionner avec le matériel qu’on leur fournit. Ainsi, on fournit des postes de travail où l’équipement n’est pas adapté aux personnes qui les utilisent. C’est le même son de cloche dans l’autopatrouille. Il faut revoir la logique et adapter les outils de travail aux policiers.
Prenons l’exemple du ceinturon. Pour les patrouilleurs, le ceinturon est en quelque sorte le bureau de travail. C’est là que se trouve le matériel auquel ils ont accès à tout moment, dont les gants, le bâton télescopique, le radio portatif, le pistolet à impulsion électrique, le couteau utilitaire, le poivre de cayenne, la lampe de poche, les menottes, le pistolet et les munitions. Or, le ceinturon qui est généralement fourni n’est pas nécessairement adapté au corps du policier et il cause beaucoup de maux de dos. Par contre, il existe des alternatives où les ceinturons sont fabriqués sur mesure pour chaque personne et la répartition du poids du matériel est réfléchie pour éviter les blessures. Plusieurs corps de police l’offrent automatiquement aux policiers une fois qu’ils ont des problèmes de dos. Pourquoi attendre? C’est injuste de chercher à faire des économies (littéralement) sur le dos des policiers et des policières. Il faut aussi munir les véhicules de patrouille de sièges dont l’ergonomie tient compte de l’espace occupé par le ceinturon et l’équipement qu’il contient. Nous sommes conscients que ces demandes impliqueront des coûts. Nous ne sommes pas dupes, mais il faut se demander si nous avons vraiment les moyens de ne pas agir en amont des problèmes de santé physique que développent les policiers.
Un policier qui a mal au dos peut se retrouver en congé de maladie payé, il faut donc aussi payer un remplaçant pour celui qui est blessé. Ce même policier blessé aura sûrement besoin de traitement. Qui va payer la facture de ces traitements? La CNESST, donc l’État québécois. Une fois qu’il sera rétabli, on fournira à ce policier un ceinturon adapté pour prévenir d’autres blessures. Nous sommes d’avis que ce ne serait pas un coût additionnel important que de fournir directement aux policiers du matériel adapté pour leur éviter des problèmes de santé. De plus, il ne faut pas négliger que ça représenterait des cas de moins pour un système de santé déjà débordé.
Nous croyons qu’il serait important pour le gouvernement d’imposer des normes québécoises plus strictes afin d’obliger les corps policiers à équiper l’ensemble des policiers avec le meilleur matériel possible, dans le respect de la capacité de payer des contribuables. Il est primordial de profiter de cette réforme de la police pour régler les problèmes à la source et prévenir certains problèmes de santé vécus par les policiers. En s’occupant des hommes et des femmes derrière l’uniforme, on les mobilise et on les amène à s’impliquer plus dans leur travail, à vouloir faire mieux. Si on les aide à avoir un environnement de travail plus agréable, on aide aussi ces personnes à maintenir une meilleure santé psychologique puisqu’on diminue les irritants et le stress relié au travail. Au final, tous les investissements pour améliorer l’environnement de travail des policiers seront directement bénéfiques sur la santé des policiers et pour la qualité du service aux citoyens.